L’économie, la finance et tout ce qui s’y rattache sont des notions explicables et compréhensibles par tous. Dans cette rubrique, nous nous attacherons à expliquer des notions majeures du système économique capitaliste. Il s’agit de comprendre cette économie et ses disquettes pour pouvoir la critiquer, la remettre en cause, la penser comme destructible. Comprendre l’économie, c’est comprendre la place qu’elle nous assigne dans son horlogerie, et préférer exploser le cadran plutôt que serrer la vis.
L’économie capitaliste se présente aujourd’hui comme le système naturel qui fait suite aux systèmes de production passés, et les critiques qui sont faites ne remettent souvent en cause qu’une partie du fonctionnement. On pense que la critique doit être globale, l’économie et toutes ces composantes sont des créations bourgeoises qui n’ont rien de naturel. Montrer du doigt tel ou tel rouage n’est que masquer ou repousser le problème posé par le fonctionnement capitaliste, puisque tout ce système est une horlogerie dans laquelle toutes les pièces s’aident mutuellement à tourner. Ce n’est pas parce qu’on change une composante que le tic tac nous fera moins chier.
Dans notre société la valeur est une donnée centrale, un rapport aux choses présenté comme un ordre naturel. Elle est en réalité une construction culturelle et sociale au service de l’exploitation. La valeur, ce concept, permet de comprendre l’échange marchand, ce rapport social capitaliste. La valeur modèle des rapports au monde que l’on subit et répète chaque jour en achetant un litron de bière ou en allant au chagrin1, entre consommation et exploitation.
Qu’est-ce que la valeur d’échange ?
La valeur d’échange est une construction théorique permettant de définir la valeur « réelle » (donc à distinguer du prix2 ) d’une chose, disons une basket, afin de la comparer avec une autre chose, disons un canapé. Il s’agit donc de trouver ce qui permet de comparer ces marchandises qui n’ont rien à voir dans leur forme ou leur fonction: la basket est plus utile parce qu’elle permet d’échapper aux schmits, en même temps pouvoir se vautrer dans un bon canapé après une course-poursuite c’est bien agréable, la basket a moins de matériaux parce qu’elle est plus petite et elle s’use plus vite qu’un canap, le canap a peut-être des matériaux plus chers car plus nobles comme le cuir, tout le monde a besoin d’un canapé , tout le monde a pas besoin de basket, mais même le sportif de canapé de Canal Football Club a besoin de chaussures, une basket c’est plus joli (si si y’en a même qui brillent dans le noir ! ), etc.
Comparer deux marchandises se fait souvent par des données subjectives, symboliques, non mesurables: l’usage qu’il en sera fait, le caractère « essentiel » d’un produit, le caractère « désirable » du produit selon le nombre potentiel de consommateurs, la valorisation symbolique d’un produit ou d’un matériau perçu comme plus noble, le caractère « luxueux » par la rareté de ce produit, par sa quantité limitée (moins y’en a plus c’est cher, donc parfois on brûle ses récoltes pour faire monter les prix…), etc. En fait le seul référent commun et objectif qu’on trouve pour comparer la basket avec le canap c’est le temps de travail humain investi dans chacun des produits. C’est par cette mesure du temps de travail humain investi dans les marchandises (de la conception jusqu’à sa mise en rayon) qu’on peut comprendre comment le capitaliste extrait de la valeur en exploitant le travailleur. La valeur d’échange, en tant que référent commun pour comparer deux marchandises est donc le temps de travail humain investi dans chacune (la répétition sert parfois la compréhension, au risque d’être un peu chiante).
Les idéologies divergent sur la définition de la valeur d’échange, le discours dominant oriente volontairement la question de la formation de la valeur vers des considérations plus subjectives, ce qui renvoie au second plan le rôle de l’exploitation dans la formation du profit capitaliste, voire sa négation pure et simple.
Comment le travail produit-il de la valeur ?
Ce n’est pas la production réalisée dans le travail, mais le temps de travail compris dans une marchandise qui lui donne sa valeur. Ceci est possible parce que dans le système capitaliste le temps de travail et de production est autonomisé des autres sphères et donc mesurable avec une certaine objectivité : Nora qui assemble des baskets Adidas ne peut pas se faire griller un steak entre deux semelles à coller (on entend par là un bon steak dans une poêle, pas entre deux morceaux de caoutchouc3), elle doit être toute entière dédiée à la production de ces baskets durant son temps de travail. Le temps de travail, c’est la monnaie virtuelle des échanges dans la société. Pour avoir des sous, on est censé louer notre force de travail pendant un temps déterminé. C’est ce qui en fait une mesure quantifiable et comparable.
Précisons que seul le travail humain est producteur de valeur, les machines n’en produisent pas car elles ne transmettent que leur valeur propre. Une machine est usée ou obsolète lorsqu’elle a transmit l’intégralité de sa valeur. On utilise une machine, on ne l’exploite pas. Or c’est de l’exploitation que naît le profit. Celle-ci consiste à faire produire au travailleur plus de valeur qu’ils n’en aurait besoin pour assurer sa propre subsistance on parle alors de sur-valeur et de sur-travail. Une machine ne produit pas de sur-valeur. Elle permet d’augmenter la productivité des travailleurs, de réduire la masse salariale et en aucun cas elles n’est là pour nous
simplifier la vie. Elle a besoin d’humains pour être fabriquée et entretenue, tant que ce sera le cas, les prolétaires seront toujours nécessaires… Et toujours de trop 4.
Qu’est-ce qu’une marchandise ?
Tout ce qui est produit en vue d’être échangé ou vendu sur un marché.Il faut donc une base à partir de laquelle établir l’équivalence entre des marchandises. On retrouve notre valeur et son calcul à partir du temps de travail humain nécessaire à la production. Comme vu plus haut la production de valeur est imbriquée dans un mode de production particulier au capitalisme, à savoir l’accaparement de l’activité des prolétaires par une classe détentrice des moyens de production5. Dans ce mode de production, la valeur marchande s’étend à de plus en plus de sphères selon le principe exponentiel du capitalisme qui doit se renouveler pour continuer sa croissance.
Revenons à nos baskets : une basket n’est pas forcément une marchandise selon la fonction qu’elle a dans le moment. Elle est une marchandise quand on pense à elle en termes de production, d’échange, de vente, de tout ce qui se rapporte à sa conception… Et sa valeur est invariable. Ce qu’il faut garder à l’esprit c’est que la valeur d’une marchandise c’est le temps de travail que les divers travailleurs ont vendu à leurs patrons pour la faire exister. La force de travail, ce que le prolétaire loue à son employeur, est elle-même une marchandise. Lorsque nous travaillons, nous l’échangeons contre un salaire. Ajoutons à cela que cette marchandise a la particularité d’être la seule qui soit créatrice de valeur.
La création de valeur est au cœur du système capitaliste. S’y attaquer c’est s’en prendre à ce qui nous conditionne comme prolétaires. Bloquer une usine, saboter la production ou piller un magasin sont autant d’attaques directes contre la valeur et donc contre l’exploitation.
Sur le sujet sur la toile :
http://palim-psao.over-blog.fr/
NOTES:
1 . oui , le travail fait rarement plaisir
2 . La valeur détermine le prix. Le prix ne détermine pas la valeur. Et d’autres données entrent en compte dans le prix (le coût de production, des matériaux, l’offre et la demande, etc). Nous parlerons des liens qui lient valeur et prix dans le numéro suivant de Bad Kids
3 . Quoique l’expérience culinaire en question devrait se rapprocher d’un Speed Burger.
4 . Le graal c’est la baisse du coût du travail, mais les patrons auront toujours besoin de travailleurs…
5 . cf « disquette de l’économie » du numéro précédent sur le mode de production.