L’économie et tous les concepts qui s’y rattachent sont des notions explicables et compréhensibles par tous. Dans cette rubrique, nous nous attacherons à expliquer des notions majeures du système économique capitaliste. Il s’agit de comprendre cette économie et ses disquettes pour pouvoir la critiquer, la remettre en cause, la penser comme destructible. Comprendre l’économie, c’est comprendre la place qu’elle nous assigne dans son horlogerie, et préférer exploser le cadran plutôt que serrer la vis.
L’économie capitaliste se présente aujourd’hui comme le système naturel qui fait suite aux systèmes de production passés, et les critiques qui sont faites ne remettent souvent en cause qu’une partie du fonctionnement. On pense que la critique doit être globale, l’économie et toutes ces composantes sont des créations bourgeoises qui n’ont rien de naturel. Montrer du doigt tel ou tel rouage n’est que masquer ou repousser le problème posé par le fonctionnement capitaliste, puisque tout ce système est une horlogerie dans laquelle toutes les pièces s’aident mutuellement à tourner. Ce n’est pas parce qu’on change une composante que le tic tac nous fera moins chier.
Le prix comme une construction
Au sein de l’économie capitaliste, le prix, le concept de prix est l’une des plus grosse disquette qui nous soit mise. Qu’il soit « prix d’équilibre » pour les libéraux, « prix réel » pour les socialo ou « prix juste » pour l’économie solidaire, on n’est pas sensé le contester. Ce prix, c’est donc la somme mentionnée sur l’étiquette, montant d’argent réclamé par celui qui vend à celui qui achète, en échange du transfert -temporaire ou permanent- de la propriété de la chose acquise. Le prix -nous y reviendront après- est toujours plus ou moins proche de la valeur d’une marchandise, mais il est aussi influencer par ce qui est appelé « offre et demande » . rien de bien savant là dedans, en gros, c’est pas pour rien que le seul gars qui vend des bouteilles d’eau à la fin des circuits de randos dans le désert les vend 5 euros. Il y a une forte demande (les mecs et nanas avec des gros sacs qui ont super soif) et peu d’offre (un mec derrière son comptoir).
Ce concept d’offre et demande, c’est aussi la disquette : on est tellement orientés dans notre posture de consommateur qu’on en oublie qu’on est les producteurs, à la base. Pour cerner ça, il faut donc faire un petit flash back sur la valeur d’une marchandise. La valeur marchande d’un bien c’est le total du temps de travail incorporé dans ce bien. Schématiquement, si Nora met 1h à assembler des baskets Adidas, et qu’avant elle Miguel avait trimé 30 minutes pour fabriquer les semelles, et Agun avait mit 2h à faire le tissu des pompes, de manière très schématique toujours il y a 3h30 de travail incorporé dans cette paire de grolles -auxquelles il faudra ajouter un peu de temps de travail de la personne qui fabrique les machines à coudre, de celle qui dessine la chaussure, etc-.
Nora et les autres sont donc producteurs de la chaussure, »créateurs », en tant qu’ouvriers & employés, de la valeur qu’elle contient. Mais au rayon chaussure d’un supermarché, y a pas marqué ‘cette chaussure vaut 35€ puisqu’elle a nécessite 3h30 de taf’, non, la disquette, c’est qu’une fois dans le magasin Adidas, on est mit dans la posture du consommateur. Ce qui justifie le prix auprès du consommateur c’est donc ‘l’offre et la demande’, ‘la qualité’ du produit, l’effet de la marque, etc. Comme à son habitude, le fonctionnement du mode de production capitaliste (cf disquette N°1) consiste à diviser les gens entre eux, mais aussi à nous diviser dans plusieurs rôles, brouiller les pistes sur l’utilité qu’ont les prolos dans ce système.
Les liens entre valeur et prix
Pour Marx en 18631, « le prix n’est autre chose que l’expression monétaire de la valeur ». toutes les marchandises étaient alors exprimées en prix-or ou prix-argent, et « La valeur de l’or ou de l’argent, tout comme celle de toutes les autres marchandises, est déterminée par la quantité de travail nécessaire à leur extraction » .Le prix est symbolisé par l’argent. La thuneest donc un facilitateur de troc, on échange pas un bien A contre un bien B, pour lesquels il faudrait trouver un ordre de grandeur similaire en terme de valeur. Si le bien A à une valeur de 10h de travail et que la valeur du bien B est de 15h, il faudrait découper un demi bien A pour arriver à quelque chose d’équitable… bref, ça fonctionne pas. L’argent facilite donc cet échange marchand, servant de ‘valeur de référence ‘.
S’attarder sur le fait que la valeur et le prix sont liés, et sont deux facettes de la même pièce de l’horloge, ça a bel et bien un intérêt. Ça nous permet de comprendre que le prix n’arrive pas d’un fonctionnement de marché, avec des courbes dans tous les sens qui varient toutes les minutes. Les prix c’est donc un apprentissage social, on intègre une échelle de valeur en €, en $ ou en ¥ , comme d’autres avant nous ont appris à s’exprimer en or ou en argent. Or, tout ce qui est socialement construit, comme son nom l’indique, ça se détruit.
Dire que les prix sont fait sur les marchés est donc faux, se sont les marchés qui font s’écarter les prix de la valeur, ce que nous verrons ensuite. D’ailleurs, le prix correspondant à la valeur d’un bien est appelé ‘prix nécessaire’, alors que le prix final qui varie au dessus ou en dessous de cette valeur moyenne est lui appelé ‘prix de marché’.
Qu’est ce qui fait varier les prix ?
Adam Smith, un des penseurs de l’économie capitaliste, expliquait que « Le prix nécessaire est le prix central autour duquel les prix de toutes les marchandises ne cessent de graviter. Diverses circonstances peuvent parfois les tenir suspendus fort au-dessus de ce point et parfois les précipiter un peu au-dessous ».
Parmi les circonstances qui font varier le prix, les coûts de distribution englobent tout ce qui se déroule entre la production et l’achat, donc le transport, le suivi des commandes, la mise en rayon, la pub, tenir la caisse, livrer le paquet, etc.
On compte également l’offre et la demande précédemment abordées, et qui représentent en réalité un rapport de force entre le possesseur de la production, et les fameux « consommateurs ». Sur le même schéma, les situations de pénuries ou d’abondances -ou surproduction- font fluctuer les prix à la valeur. C’est aussi pour cette raison que les monopoles ou oligopoles créent des rentes : le mec qui vend des bouteilles d’eau 5€ est en situation de monopole, et a donc une bonne petite rente sur son commerce ; puisque la rente, c’est un revenu lié à une rareté naturelle ou généralement artificielle d’une ressource.
Pour finir sur ce point, la spéculation est aussi à l’origine des variations des prix. La spéculation, mot tabou s’il en est, représente en fait économiquement des petits paris faits à différentes échelles, et qui tentent de deviner à quel prix se vendra telle ou telle denrée dans 2 , 40 ou 300 jours par exemple. L’idée c’est d’être toujours plus clairvoyant et donc de deviner avant tout le monde que le prix des chaussures va baisser pour telle raison, ou que celui des prunes va beaucoup augmenter parce qu’apparemment il va beaucoup pleuvoir en Mai. La spéculation, c’est le petit frisson du riche. Sauf que le truc, c’est que le marché est un fonctionnement auto-réalisateur, et on peut essayer de l’expliquer de manière très schématique : si quelques personnes économiquement influentes disent que le prix des prunes va monter l’été prochain, parce que apparemment dans 6 mois il va y avoir des inondations en Midi-Pyrénées, alors tout un tas de gens ambitieux vont se mettre à signer des contrats à l’avance du genre « je te vendrais 5 tonnes de reine-claude dans 1 an à 1,5 € le kilo» alors que les prunes se vendaient 1€30 y a une semaine. Contrat qu’ils signeront avec d’autres gens qui ont eux ouïe dire que c’est tout le sud de la France qui va être inondé et que 1,5€ le kilo, ça sera le bon plan.
Une fois cela fait, tout le monde commence à se dire que lui aussi il veut ses prunes à revendre le moment venu, la demande de prune augmente. L’été suivant, pluie ou pas pluie, la demande de prune est bien plus forte que l’année passée puisque certains ont signé des contrats y a 6 mois à ce sujet, donc , à valeur égale, les prunes seront plus chères l’année prochaine.
La vraie disquette dans tout ça !
Quelques soient les variations entre le prix nécessaire et le prix du marché, « Si au lieu de ne considérer que les fluctuations journalières, vous analysez le mouvement des prix du marché pour de plus longues périodes, vous trouverez que les oscillations des prix du marché, leurs écarts par rapport à la valeur, leurs hausses et leurs baisses, s’annihilent et se compensent, de telle sorte que […] les marchandises de toutes sortes sont vendues, en moyenne, à leurs valeurs respectives »1
Donc ce qui nous étrangle dans ce système de production ce n’est pas -que- le financier, le boursicoteur ou le rentier, c’est aussi et surtout le concept de sur-travail. Les employé-es et ouvrier-es sont donc les seuls créateurs de la valeur d’un bien, seulement, la somme sur le chèque en fin de mois ne correspond pas à la valeur marchande produite. Au delà du travail nécessaire pour satisfaire ses propres besoins et envies, le sur-travail est une création de valeur faite gratis, récupérée par le possesseur du capital dans ce qu’on appel la plus-value. Genre, t’as bossé 100 heures ce mois-ci, t’ as fait 10 chaussures par heure. T’as fait 1000 chaussures, à 10 € la chaussure. Pourtant, t’es pas payé 10 000 € .
Ce profit, cette plus-value est ensuite partagée entre plusieurs capitalistes parmi lesquels on trouve donc pêle-mêle le ou les patrons, les propriétaires terriens et fonciers, et aujourd’hui les actionnaires, les détenteurs de stock-option, etc.
On creusera tout ça dans la prochaine disquette de l’économie, puisqu’ après avoir posé les bases de quelques notions économiques dans ces trois premières rubriques, nous parlerons plus précisément de la plus-value.
– 1Salaire, prix et profit, Karl Marx. Valeur et travail. –