Bad Kids
Toulouse
DAECH, AUX FRONTIERES DU REEL ?
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Du sable, du vent, des armes. Beaucoup de pick-up et peu de dromadaires. Daech s’est construit son image en miroir de l’industrie hollywoodienne. Les dirigeants des grandes nations occidentales cherchaient leurs barbares, appel d’offre sous le bras de l’intervention en Irak. Et le conseil des Moudjahidines1 y a répondu sans la moindre ambiguïté, en leur envoyant un CV des plus zélés.
On aurait tort, cependant, de considérer Daech comme la simple marionnette de puissances impérialistes en mal de chaos. L’appareil politique de l’Etat Islamique a la force de se mouvoir dans une autonomie grandissante. Jusqu’à devenir un acteur majeur des rapports de production capitalistes d’un « Nouveau Monde » qui n’a pas grand-chose d’innovant.
Certains, sous l’emprise du captagon, y voient la réalisation d’une prophétie millénaire, d’autres, l’avènement du choc des civilisations. Et ces deux visions ont pour avantage de se compléter, de se complaire. « Nous sommes en guerre. » se lancent-ils à tour de rôles. Bandes de connards.
Le monde organisé selon les règles d’une opposition binaire civilisationnelle. Le pied pour Donald Trump, le chômage pour les analystes du Moyen-Orient. Tom Cruise en plein « déjà-vu ».

Mais sortons de la spirale des images, qui attrape nos imaginaires saturés par redondances.
L’héritage idéologique de Daech est lourd. Il est le résultat d’un travail de longue haleine fourni par des organisations politiques bourgeoises préalables à l’EI, dont les racines sont à chercher du côté des Frères Musulmans, organisation pas encore centenaire. La principale fonction de cet héritage est de détourner nos regards d’une lecture matérialiste de l’avènement de l’optique confessionnelle des conflits et du monde qui l’entoure. Mais l’Etat Islamique n’est ni en dehors de la réalité ni aux frontières de celle-ci. Et on prend la parole pour rappeler que ce n’est ni une alternative à l’impérialisme ni une preuve de l’implacable tournant religieux des rapports sociaux. Daech fait partie de la clique du Vieux Monde, et, au même titre que tous les connards évoqués dans Bad Kids (et il y en a …), sa destruction n’aura de sens que si celle-ci est réalisée par la base sociale qu’il exploite et réprime.

DAECH ORIGINS

L’islamisme version Youtube et Facebook n’a pas grand-chose à voir avec les Croisades que tous les fachos essaient de mettre en perspective. Le salafisme s’est d’abord développé à la décrépitude de l’Empire Ottoman, à la fin du XIXème siècle, dans le souci de réadapter l’islam au monde moderne. L’objectif était d’assurer la transition économique des territoires arabes et de maintenir, par l’ordre religieux, les positions des notables, grands commerçants et propriétaires terriens, dans la nouvelle configuration régionale qui s’annonçait, qu’il s’agisse d’un Royaume ou d’un Etat. Seulement, l’intervention des forces occidentales va quelque peu bouleverser ce projet en gestation, appuyant de nouvelles couches sociales pour lesquelles, notamment en Syrie, nationalisme ne rime pas avec sunnisme, mais se fait au contraire contre lui. Ici, nous comprendrons qu’il ne s’agit pas d’une opposition entre laïcs et croyants mais entre nouvelles couches de la bourgeoisie nationale et anciennes classes dirigeantes sunnites. Il faut d’ores et déjà rappelé qu’à ce moment-là, les débris de l’Empire Ottoman que représentent la Grande Syrie et l’Irak sont des territoires multiconfessionnels. Une multi-confessionnalité sur laquelle les régimes d’occupation s’étaient largement appuyés (on ne vous refera pas la leçon du diviser pour mieux régner) pour élaborer le cheval de Troie de l’Empire Ottoman en 1914. Le jeu des identités est un jeu définitivement sérieux.

Pur produit des territoires sous mandat au Moyen Orient, l’islamisme se développe avec puis contre le mouvement nationaliste panarabique2 aux accents socialistes. C’est donc une théorie politique profondément moderne que Hassan Al Banna3 va proposer à la fondation de l’organisation des Frères Musulmans en 1928. Cette organisation rompt avec une double tradition religieuse : tout d’abord le dévouement du croyant glisse de « Dieu le créateur » vers « l’Islam en tant que système politique, économique, social et moral » ; une politisation de la référence religieuse en rupture avec le courant de pensée salafiste d’alors. Bien qu’à cette époque le tabou de la violence au dar-al-islam (le territoire administré par un pouvoir politique se réclamant de l’islam) ait été respecté, les Frères Musulmans ont proposé une structure de l’engagement politique très hiérarchisée, avec un ou des chefs auxquels les autres engagés doivent se référer, obéir, se soumettre. Un autre élément emprunté aux mouvements politiques occidentaux de droite, tout comme les méthodes propagandistes, qui ne tiennent plus seulement d’un prosélytisme cantonné à l’espace religieux mais viennent impacter l’ensemble de l’espace social, à la manière d’une idéologie politique. Grâce à cette idéologie politique, volontiers populiste, les organisations islamistes vont tenter de se réapproprier les rages de l’occupation des Etats français et britannique pour proposer une alternative culturelle et politique aux populations tenues sous le joug des intérêts économiques des bourgeoisies occidentales. Leur réseau est avant tout composé de petits commerçants déclassés, de propriétaires terriens spoliés en partie ou en totalité par les réformes agraires. Leurs premières activités se cantonneront à du clientélisme et du terrorisme.

Les années 60 vont marquer un tournant dans la pratique de l’islam politique. Tout d’abord, pour ne pas se fourvoyer dans un découpage des bons laïcs et des méchants croyants, le socialisme panarabique laïc n’a jamais renié complètement l’Islam comme assise éthique, comme morale opposée à la décadence de l’Occident capitaliste. Ensuite, il faut rappeler par exemple que le régime de Nasser a longtemps travaillé avec les Frères Musulmans (alliance de notables animée par la réappropriation des territoires par une classe dirigeante locale), jusqu’à ce qu’une tentative d’assassinat  contre ce dernier  en 1954 marque la fin du contrat nationaliste. A partir de là, le mouvement islamiste dans son ensemble va subir une répression conséquente, marquant le début de son avènement avec l’ère des Martyrs, dont Said Qotb4, exécuté en 1966, deviendra la véritable icône. La fin des années 70 correspond à la crise des nationalismes arabes, crise sur laquelle les islamistes vont surfer en proposant un islam « révolutionnaire »5, proche du peuple, des pauvres, en proposant de faire de la religion le socle de la communauté des exclus. Mais cet islam social ne vient pas des bas-quartiers, il est précisément dynamisé par les milieux affairistes, tout particulièrement en Egypte, qui, du fait de la rente pétrolière des pays du Golfe, parviennent à lever des fonds conséquents pour « cadrer » cette jeunesse prolétarienne qui remue de trop. Car leurs projections politiques ne visent pas aux chamboulements des rapports de production sur les territoires qu’ils administrent, plutôt à une contestation des « vainqueurs de l’Histoire » (les Occidentaux) et à une nouvelle administration des rapports sociaux de sexe, de religion, d’ethnie et de classe, dans un même mouvement à prétention universelle, pour que rien ne change.

RETOUR VERS LE FUTUR

Les Etats syrien et irakien sont des modèles de centralisme, de surveillance tentaculaire, d’autoritarisme, et de monopole. Les tensions géopolitiques face à l’occupant israélien ou le challenger iranien n’expliquent pas tout, les contradictions de classe et les oppositions au sein de la classe dirigeante dans les territoires syrien et irakien complètent le tableau. La formule paranoïaque que ce type de gouvernement propose a largement séduit les dirigeants de Daech, qui ont décidé de se la réapproprier sans changements structurels majeurs.
Les premiers pas de l’Etat Islamique se font dans la cours de promenade de la prison de Camp Bucca entre 2003 et 2009. A cette époque, on parle encore de Al Qaida en Irak. Des Moudjahidines rencontrent d’anciennes élites de l’armée de Saddam Hussein. Et c’est le coup de foudre. Les uns parlent des Américains. Les autres parlent des Américains. Et ils décident de se réapproprier les territoires spoliés par les Américains et remis aux autorités chiites. Afin de procéder à cette opération, ils établissent une structure élaborée par  Haji Bakr, ancien colonel des Services de Renseignements Irakiens. Entre 2010 et 2011, de nombreuses manifestations, proches des slogans des printemps arabes, secouent les zones sunnites irakiennes, qui réclament la fin de la ségrégation de la minorité sunnite (au nord de l’Irak) et la fin de la corruption des élites chiites. Ces manifestations sont violemment réprimées par le nouveau régime irakien. Les islamistes y repère un terreau fertile. Fin 2012, Haji Bakr, laïc convaincu, part pour la Syrie. Il doit constituer un territoire conséquent en vue d’attaquer l’Irak. Il s’installe à Tal Rifaat, ville connue pour ses hommes revenus des pays du Golfe dans les années 80 avec des convictions radicales et de précieux contacts. Il rédigea alors le grand projet. Sorte de croquis de l’Etat Policier Islamique par excellence.

Tout commence par la mise en place d’une dawa dans chaque ville syrienne, un centre de prédication islamique, où on cherche à recruter des sympathisants. Parmi ceux-ci, on prenait deux personnes chargées d’établir un rapport du village : faire le compte des familles puissantes, faire la liste des personnes importantes dans ces familles, trouver leurs sources de revenus, trouver les noms des personnes faisant partie des brigades rebelles dans le village, trouver le nom des chefs, de celui qui contrôle les brigades, ainsi que leur orientation politique, trouver leurs activités illégales au regard de la charia pour pouvoir les faire chanter. De jeunes hommes étaient recrutés pour obtenir les faveurs matrimoniales des filles des familles les plus influentes. Les mouchards sont lancés, à peine 20 ans. Bakr a prévu un émir pour chaque province, un commandant chargé des assassinats, des enlèvements, des tireurs d’élite, de la communication et du codage, ainsi qu’un émir chargé de surveiller les autres émirs. Tout le monde surveillait tout le monde. Un autre héritage de l’agent irakien à la tête de l’EI va, durant les premiers mois de cette année 2014, jouer un rôle décisif : ses contacts remontant à plus de dix ans avec les services de renseignements d’Assad. Pour rappel, en 2003, le pouvoir de Damas flippe que le président américain de l’époque, George W. Bush, après sa victoire sur Saddam Hussein, puisse envahir la Syrie. Les services syriens sont notamment accusés par le gouvernement irakien d’avoir faciliter le passage de candidats au djihad de Libye, d’Arabie Saoudite et de Tunisie vers Al-Qaida en Irak. Il s’ensuivit une étrange partie à trois entre les généraux syriens, les djihadistes venus du monde entier et les anciens officiers de Saddam Hussein: une joint-venture d’ennemis jurés pour rendre la vie des Américains en Irak infernale. N’oublions pas non plus la libération de centaines de prisonniers djihadistes syriens aux premières heures de la révolution syrienne afin de contrer les groupes rebelles.
Des conditions favorables à la mise en place du plan final, l’invasion de l’Irak. Mais l’EI en Irak ne se présente pas comme une armée d’occupation. Au contraire, elle se présente comme une armée de libération des populations sunnites du Nord. Elle destitue et assassine publiquement les quelques chefs désignés comme corrompus mais laisse l’organisation de la vie telle quelle, après allégeance des dirigeants, donc promesse de versement des différentes taxes sur les produits agricoles, industriels et commerciaux, dont l’ancienne centralisation par les régimes baasistes facilitent l’accaparement. Certains y voient un contre-pouvoir sérieux face à l’Etat irakien pro-chiite, d’autres quittent les lieux sans trop tarder. Daech est au pouvoir.

UN JOUR A MOSSOUL

Le 10 juin 2014, cent ans après la mise à mort de l’Empire Ottoman, Daech, à Yaaroubiya, poste une photo intitulée « Briser la frontière Sykes-Picot », du nom de l’accord entre la France et la Grande Bretagne pour le partage du Moyen-Orient à la fin de la Première Guerre Mondiale. Cette frontière qu’ils effacent, c’est la frontière syro-irakienne, et, bien qu’elle n’ait pas été dessinée en 1916 par les accords Sykes-Picot, mais par la Grande Bretagne mandataire au moment du rattachement de Mossoul à l’Irak, un peu après 1925, on comprend l’objectif. Ce n’est pas une erreur historique que les miliciens de Daech ont commise ce 10 juin 2014, c’est un coup de force symbolique visant à mettre en avant la portée de leur geste, celui d’avoir définitivement vengé le peuple arabe sunnite de la colonisation occidentale en faisant sauter les barrières, en réaffirmant un contrôle d’un territoire trop longtemps aux mains des Infidèles. Dire cela, c’est aussi rappeler la soumission, donc la trahison, des précédents Etats syrien et irakien vis-à-vis de cet Occident. Daech réécrit l’histoire, sans égratigner l’Arabie Saoudite pour l’heure.

Pour ce qui est de la nouvelle administration des différents rapports sociaux à l’œuvre sur les territoires, celle-ci consiste en une nouvelle modélisation, donc une nouvelle distribution des positions sociales en fonction du découpage idéologique élaboré par ces élites à partir des textes sacrés, immédiatement politiques par la pression d’un canon de kalachnikov sur la tempe. Ce nouveau modèle, très peu concerné par la question de l’exploitation de l’homme par l’homme (sauf lorsque celui-là refuse ce que lui impose celui-ci), est particulièrement attentif à la question de l’exploitation de la femme par l’homme6. A partir de la production d’un discours moral, de l’érotisme des cheveux au caractère irrépressible de la déviance féminine, les femmes sont en quelque sorte assignées à résidence7, c’est-à-dire que le seul sens d’un être humain doté d’un vagin réside dans sa fonction reproductive, biologiquement et socialement, fonction reproductive matérialisée par les quatre murs d’une maison, « avec deux salles de bain »8. Quant aux rapports ethniques, ils sont dissouts dans les rapports religieux, le découpage des catégories sociales de surface ne se faisant qu’à partir de l’opposition binaire « croyant / non-croyant », non-croyant désignant des minorités confessionnelles et/ou ethniques (les Chiites, les Chrétiens, les Yézidis, certains Kurdes etc.) non-islamisées à qui l’on propose l’impôt des dhimmis ou l’exil (ou la mort), avec option esclavage pour les femmes Yézidis9, toujours dans cette même logique de la fonction reproductive. Le 11 juin 2014, à Mossoul, l’État Islamique en Irak et au Levant rend publique une charte de 16 articles régissant la vie à l’intérieur de la ville. Parmi ces points, il menace ses opposants de « l’homicide, la crucifixion, l’amputation des bras ou (et) des jambes, ou l’exil » (article 5)10. L’alcool, le tabac et les drogues sont interdits (article 8). Toutes les manifestations publiques, considérées comme contraires à l’islam, sont interdites (article 10). L’EI promet également la destruction des statues édifiées avant l’avènement de l’islam (article 13). Les femmes ne peuvent sortir que vêtues d’un niqab et accompagnées d’un membre de leur famille (article 14)11.

Ainsi, lecteur aguerri du Guépard, l’EI prend soin de tout changer pour que rien ne change. En réalité, ce nouvel aménagement des rapports quotidiens, qui pourrit la vie à des millions de gens, n’implique pas de changement majeur dans l’organisation des institutions liées au pouvoir et à l’autorité. Recyclage des centralismes étatiques syrien et irakien, allégeances des structures tribales, l’EI ne perd rien et transforme, avec pour objectif de tenir un territoire islamique où les gens ne bronchent pas et travaillent, pour Messieurs les Gros. Chairs à patrons, chairs à canons (service militaire obligatoire pour tout homme de plus de quatorze ans), la vie sous l’EI, c’est vraiment la merde, et la mort si on ouvre trop sa gueule. Pourtant, ça et là, des gens se bougent, sortent dans la rue, refusent de travailler, prennent les armes contre leurs bourreaux. Dans cette ambiance-là, il n’y a pas de petits combats et il semblerait que les défections au sein de Daech soient de plus en plus nombreuses. Tout comme les incivilités à l’égard des Autorités12.

« La crise consiste justement dans le fait que l’ancien meurt et que le nouveau ne peut pas naître : pendant cet interrègne on observe les phénomènes morbides les plus variés. »
Antonio Gramsci, Cahiers de Prison

Ce (trop) rapide passage en revue de la genèse de l’Etat Islamique avait pour but de repositionner le groupe à la fois dans son rôle bourgeois, organisant l’exploitation capitaliste sur son territoire (cf. encart sur cette page), dans son rôle réactionnaire, vu les règles qu’ils imposent à la population qu’il domine, et dans la défaite que ce genre d’alternative promet. De nombreux aspects ont été mis de côté, en ce qui concerne l’histoire, la vie quotidienne, la structuration précise du groupe, mais l’espace ne permettait pas d’aller plus loin. Une très bonne brochure intitulée « Califat et barbarie »13 revient plus précisément sur toute l’histoire de ces bâtards.

Il ne sert à rien de jouer les parieurs géopolitiques. L’Etat Islamique court à sa perte mais assurément, dans sa fuite, il continuera à tirer. La guerre qui mine les territoires irakien et syrien est une guerre de puissants. Tout ce que nous pouvons espérer, c’est que l’illusion du caractère confessionnelle du conflit puisse s’estomper au profit d’une lecture matérialiste mettant en avant les intérêts économiques que se contestent les capitalistes en tout genre, et que les prolétaires de là-bas n’auront jamais. Et qu’au-delà de la lecture, puisse se développer un mouvement prolétarien contestant cette mainmise de nos vies par les puissances capitalistes de ce monde. Mais l’espoir, ce n’est pas suffisant.

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De l’argent, il y en a, dans les caisses du Califat !

Daech est une organisation idéaliste dans son discours mais terriblement matérialiste lorsqu’il s’agit du nerf de sa guerre. Organisation terroriste la plus friquée de l’Histoire, elle ne se contente pas des généreux mécènes bédouins pour faire de la caille, contrairement à Al Qaida.
Ce qu’il y a de bien en Irak et en Syrie, c’est qu’il y a de la matière. Daech ne vise pas seulement à fliquer les vies des populations encore présentes sur son territoire, elle accumule, par le pillage mais également par l’exploitation, des quantités astronomiques de thunes, estimées à 2 200 milliards d’euros .Les principales activités capitalistes (offrant un budget annuel de 2, 5 milliards d’euros) sont les hydrocarbures, les extorsions, les produits agricoles et les rançons. Le trafic d’art et les dons de l’étranger ne représentent aujourd’hui que 3% des revenus du Califat.
L’appropriation du territoire à cheval sur la Syrie et l’Irak a permis à Daech de prendre le contrôle de plusieurs gisements de pétrole, de gaz et de phosphate. Le tout réuni, ça fait 1,2 milliards d’euros de recette par an.
Mais l’organisation, loin d’être obnubilée par l’or noir et ses cousins, a aussi réquisitionné de nombreuses terres agricoles où l’on cultive du blé, de l’orge et du coton. Les usines de ciment ont, elles-aussi, été réquisitionnées. Et Dieu sait certainement à quel point le ciment c’est pratique mais surtout nécessaire en temps de guerre. Il suffit de voir qui se fait le plus de thunes à Gaza par exemple …
Les rançons demandées pour la libération des prisonniers de guerre atteignent la coquette somme de 100 millions d’euros par an.
Mais, et c’est peut-être là que sa forme étatique apparaît le plus clairement, Daech ne fait pas que produire puis vendre. Au-delà des pillages de banques (500 millions à la banque de Mossoul, bon braquo quoi) l’organisation a mis en place un système d’extorsions généralisées qui lui rapporte 800 millions d’euros par an. Les extorsions se résument à toutes sortes de taxes sur les salaires (5% pour « protection sociale » par exemple), les autoroutes (200 dollars de péage pour circuler dans le nord de l’Irak), le trafic d’art (20 % de taxe sur chaque transaction), sans oublier la jizya, dont doivent s’acquitter tous les non-musulmans qui ont accepté le statut de dhimmi.
Les recettes des hydrocarbures allant en diminuant (cours du pétrole en chute libre, bombardements des infrastructures économiques), Daech a intensifié son système d’extorsions, notamment en divisant les salaires par deux. Nous pouvons espérer que cette cure d’austérité fera définitivement éclater au grand jour les tensions de classes dans la région.
Mais protester sous Daech, c’est se condamner à l’exil ou à la clandestinité. Car l’organisation refuse toute contestation dans l’espace public, allant régulièrement jusqu’à abattre immédiatement les fauteurs de troubles.

1) Ce montant correspond à la fortune de Daech, c’est à dire à la valeur des installations pétrolières et gazières, des mines de phosphates, des terres agricoles, des sites culturels etc. situés sur le territoire contrôlé par l’État islamique.

 

daesh no passaran

1) Le conseil consultatif des Moudjahidines en Irak est une alliance de plusieurs mouvements de la guérilla irakienne, islamiste, sous l’égide d’Al-Qaïda en Irak, fondé en janvier 2006. Ce conseil deviendra six mois plus tard l’Etat Islamique en Irak (EII) puis l’Etat Islamique en Irak et au Levant, Daech.

2)  Le panarabisme est un mouvement politique qui vise à unifier les différentes nations arabes en gestation à la fin du 19ème siècle. Ce mouvement se poursuivra tout au long du 20ème siècle, nourri par différentes tendances (Baas, Nasser, Khadafi) liées par la planification socialiste et la laïcité de la vie publique.

3) Hassan Al Banna (1906-1949), fondateur des Frères Musulmans, est, pour l’anecdote, le grand-père de Tariq Ramadan.

4) Said Qotb (1906-1966) était un militant des Frères Musulmans, engagé dans une définition plus radicale de la foi islamique. Il est le fondateur de l’idéologie qotbiste, que de nombreux groupes du djihad version mondialisée reprendront, jusqu’à l’Etat Islamique (notamment la pratique du takfir).

5) En réalité, cette proposition avait déjà été faite au moment de la colonisation. Ça n’avait juste pas pris.

6) Non pas que la situation des femmes était particulièrement aisée pendant le régime de Saddam Hussein, ce dernier ayant notamment légalisé le crime d’honneur, c’est-à-dire le droit pour un homme d’assassiner quelconque femme (fille, femme, sœur) coupable d’adultère ou de mauvaises mœurs.

7) Un service spécifique a été créé pour contrôler les comportements féminins. Il s’agit d’une milice composé principalement de femmes étrangères, la brigade Katibat El Khansa.

8) Dixit une bouffonne partie faire son djihad sans avoir fait table rase de ses réflexes matérialistes.

9) Pour justifier l’esclavage des femmes Yézidis, il y a deux élements. Tout d’abord, au temps d’Omar, l’esclavage était une pratique courante. Ensuite, les Yézidis sont considérés comme une sorte de secte, « adoratrice du Diable ». Elles n’ont donc pas grand-chose d’humain selon Daech.

10) Article mis en œuvre lors du refus de travail des employés de la voierie

11) Selon un document daté du 16 octobre 2014, présenté par l’agence de presse Iraqi news, l’État islamique aurait fixé le prix de vente des femmes yézidis ou chrétiennes, comme esclaves, entre 138 et 35 euros. « Une fillette âgée de 1 à 9 ans coûterait 200 000 dinars (soit 138 euros), une fille de 10 à 20 ans 150 000 dinars (104 euros), une femme entre 20 et 30 ans 100 000 dinars (69 euros), une femme entre 30 et 40 ans 75 000 dinars (52 euros) et une femme âgée de 40 à 50 ans 50 000 dinars (35 euros) ». Le document stipule l’interdiction d’acheter plus de trois femmes », sauf pour les « Turcs, les Syriens ou les Arabes du Golfe ».

12) Comme à Manbij, en Syrie, où des dizaines de civils sont sortis dans la rue le 12 novembre dernier pour demander le départ des djihadistes.

13) Brochure en deux parties présente sur le site ddt21.noblogs.org

2 Comments to “DAECH, AUX FRONTIERES DU REEL ?”

  1. […] – Daesh, aux frontières du réel […]

  2. […] – Daesh, aux frontières du réel […]